lundi 21 mai 2012

Christo et Jeanne Claude

Jeanne Claude et Christo sont deux artistes (en couple) qui mettent en scène toiles, câbles et structures métalliques, pour créer des œuvres éphémères qui durent deux semaines en moyenne. Leur art consiste en l'« empaquetage » de lieux, de bâtiments, de monuments, de parcs et de paysages. Certaines de leurs œuvres pionnières se rapprochent du Land Art en raison de leur gigantisme, ou plus généralement, de leur réalisation hors des traditionnels sites ; atelier, galerie, musée. Le couple refuse cependant l'appellation « Land Art », précisant que ses interventions ne sont jamais réalisées dans le désert : un argument assez discutable au regard de la diversité des pratiques de ce mouvement artistique qui perdure jusqu'à aujourd'hui. Ils s'intéressent à la structure, à l'usage, à la beauté ou à la dimension symbolique des lieux sur lesquels ils interviennent temporairement, qu'ils « révèlent en cachant ».
Les Christo réalisent un travail monumental et éphémère, c’est ce qui marque leur originalité, prendre autant de temps uniquement pour un résultat qui ne durera qu'un court laps de temps. Selon Albert Elsen, « aucun artiste de l’histoire n’a passé autant de temps à voyager pour se présenter lui-même ainsi que son œuvre. Le succès de ses projets auprès du public […] est dû pour une part non négligeable à sa facilité de contact et à ses dons naturels de pédagogue. Il fut le premier créateur à étudier de lui-même l’impact tant humain qu’environnemental de ses projets. La plupart des artistes pensent que l’éducation du public prend trop de temps au détriment de leur travail ». Pour Christo, « l’interactivité verbale avec le public » fait partie intégrante de sa créativité.Toujours selon lui, « son art est le résultat d’une réflexion et d’une intuition esthétique imposée à un environnement naturel et construit ".
Pour les Christo, leur œuvre est faite pour impressionner le public et donner de nouvelles visions ainsi qu’un cri de liberté. Quand un monument est emballé, il acquiert une toute autre forme, une toute autre identité, un tout autre prestige : on ne le reconnaît plus. Les Christo recherchent une vision populaire, une popularité de .leur art

Au début de leur carrière, les Christo sont beaucoup critiqués, par d’autres artistes et par les médias, affirmant que leur travail n’est pas de l’art. Avec le temps, les médias ont été de puissants alliés de Christo. Pour beaucoup, Christo a un talent promotionnel de communication, « la présentation d’un projet par Christo, un entretien avec Christo sont aussi des créations artistiques». Christo est avant tout un ingénieur et un entrepreneur, réalisant des projets techniques alors qu’il n’a aucune formation dans le génie civil. L’œuvre de Christo c’est aussi l’art de travailler en équipe avec de grands moyens. Toute l’organisation et la logistique de ses œuvres font partie intégrante de son art. Aussi n’oublions pas toutes les démarches mises en œuvres pour pouvoir réaliser chaque projet, représentant des années d’investigations et des centaines de désistements et d’abandons. Comme le disait Marina Vaizey, «sa méthode est inséparable de son art ».
L’œuvre de Christo est éphémère. Pour Christo, « l'urgence d'être vu est d'autant plus grande que demain tout aura disparu… Personne ne peut acheter ces œuvres, personne ne peut les posséder, personne ne peut les commercialiser, personne ne peut vendre des billets pour les voir…Notre travail parle de liberté ». L’art de Christo est la création d'objets temporaires de grande échelle conçus pour des sites extérieurs spécifiques. Il pense que les gens doivent avoir la possibilité de vivre de expériences artistiques intenses et mémorables en dehors des musées.
Les Christo croient en la séduction d’une création sans signification qui aille au-delà de l’objet lui-même, implique une indifférence aux conceptions qui attribuent à l’art un rôle (social, politique, économique, environnemental, moral ou philosophique) qui irait au-delà de lui-même, une œuvre d’art « qui est » plutôt que « qui signifie ». Leur forme de sensibilité de la société n’exclut pas les non-connaisseurs, mais au contraire insiste toujours sur le plaisir que pourra ressentir l’homme de la rue.
L’art aujourd’hui joue de l’information, la propagande, la publicité, l’emballage et la présentation, ce qui représente exactement l’œuvre de Christo. Pour Marina Vaizey « il a appliqué les méthodes du capitalisme démocratique à la fabrication de l’art ». Ce qui peut résumer le travail de Christo c’est « révéler en cachant ».


Ainsi, lorsque à Berlin, le Reichstag est en reconstruction et qu'il se fait "empaqueter" par Christo et Jeanne Claude, l'attente et le suspens sont à leur comble pour les berlinois et le monde entier. Mais que cache donc cette masse recouverte de plastique ? Qu'ont-ils rénové ? Qu'allons-nous découvrir ? 
La période de transition entre l'ancien Reichstag et le nouveau se fait également plus en douceur grâce à cette installation.

22h13 Pierrick Sorin



"Eux, ce sont des créateurs, régisseurs, monteurs vidéos, lui c’est Nicolas Sansier, le double scénique de Pierrick Sorin, artiste vidéaste et concepteur du spectacle 22H13, créé en 2010 au théâtre du Rond-Point et qui vit ses derniers instants d’une grande tournée à travers la France. 22h13 nous parle de l’artiste, de ses rapports au monde, aux modes, à la création.
Ainsi la scène représente l’atelier de travail d’un artiste plasticien. Le plateau est jalonnée de meubles en bois recouverts de peintures, de papiers en joyeux bordel et d’écrans de toutes tailles et de toutes formes qui diffusent rêveries, scènes tournées et œuvres d’arts.
Ce spectacle aurait pu s’appeler « Journal d’un vidéaste » puisque tout le texte est en voix off, à la première personne et assume totalement le côté nombriliste de la chose, sans pour autant aller jusqu’au bout puisque l’artiste met un acteur dans son rôle et ne se présente pas de front au spectateur, mais reste caché derrière son œuvre égotiste.
Cette oeuvre tient trop de la conférence de professeur d’université qui assènerait des vérités malheureusement trop simplistes et caricaturales sur le créateur. Une scène de rencontre entre l’artiste et des représentants d’assurances conforte le public sur la prétendue incapacité des artistes à vivre sérieusement. Les nombreux messages laissés sur son répondeur invitent le spectateur à se persuader que les créateurs ne sont vraiment pas des gens en connexion avec leurs semblables. On regrettera un manque cruel de poésie dans le texte qui alourdit profondément le spectacle et n’est pas révélateur du travail visuel de Sorin, plein d’humour et de poésie.
Les faibles capacités comiques du comédien font souvent basculer le spectacle dans l’humour potache plus que vers une véritable attitude artistique. Mais impossible d’émettre un avis, l’auteur s’est empressé de se dédouaner de cela en distanciant le spectacle par une critique qui abonde en ce sens. C’est bien le souci de ce travail, conscient de ses faiblesses (nombrilisme et incapacité de rendre vraiment compte de ce qu’est l’acte créatif) mais sans pour autant chercher à dépasser les limites d’un telle entreprise. Une œuvre de “fainéant” qui ne va pas plus loin que le bout de son nez.
Évidement, comme tous les spectacles qui ne reposent que sur la technique, il y eut un bug ce soir-là et un écran bleu a sabré l’une des scènes pour des raisons de mauvaise connectique (c’est en tout cas ce qui s’affichait sur l’écran).
Mais comme pour toutes les oeuvres faciles, la salle rit aux éclats et tout le monde est content, ne bousculons rien et n’allons certainement pas contre les préjugés sur les artistes.
Bruno Paternot"

"Diane Arbus, photographe écorchée" Télérama.









"Allez savoir comment elle s'y est prise. Cette fois encore, Diane Arbus a réussi à convaincre un homme de la laisser entrer dans sa chambre d'hôtel, à New York, pour un portrait. A première vue, ce cliché de 1961 n'a pas grand intérêt. A y regarder de plus près, c'est un monstre qui apparaît sous les traits de cet inconnu : ses pieds sont à l'envers, tournés vers le dos. L'image provoque le malaise. Comme toutes celles que la photographe réalise sur les phénomènes de foire – homme percé d'épingles, femme « sans tête », musclors tatoués – et les exclus de toutes sortes – drag-queens, travestis ou fou errant torse nu. Diane Arbus a le don pour jeter le trouble sur l'identité d'un modèle.
« Je suis née en haut de l'échelle sociale, dans la bourgeoisie respectable, mais, depuis, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour dégringoler », confiait-elle. Elle voit en effet le jour, en mars 1923, sous le nom de Nemerov, dans une riche famille juive, propriétaire du grand magasin de mode Russeks, sur la Cinquième Avenue, à New York. Son frère Howard (futur écrivain et poète), sa petite sœur et elle gran­dissent dans le quartier huppé de Central Park ouest, entourés de ­domestiques. A 14 ans, Diane tombe amoureuse d'Allan Arbus ; elle se marie avec lui quatre ans plus tard, malgré l'hostilité de ses parents pour cette union avec un petit photographe sans fortune.
Le jeune couple mange de la vache enragée, crée un studio de photos de pub et de mode, et réussit à se faire un nom en signant des couvertures pour les magazines Glamour ou Vogue. Mais la seule véritable préoccupation de Diane Arbus reste son époux, devant lequel elle est pétrie d'admiration, et ses deux filles, Doon et Amy.
C'est à 38 ans seulement, après qu'Allan l'a quittée pour une actrice, qu'elle décide de se consacrer entièrement à son œuvre. Six ans plus tard, en 1967, trente de ses tirages sont présentés au musée d'Art moderne de New York (MoMA) à côté des autoportraits de Lee Friedlander et des scènes de rue de Garry Winogrand, dans une exposition devenue mythique, « New Documents ». Les trois artistes changent la conception de l'image documentaire : « Leurs prédécesseurs se mettaient au service d'une cause sociale. Ils voulaient montrer ce qui n'allait pas et persuader les autres d'agir pour y remédier. Le but de ces jeunes photographes n'est pas de réformer la réalité, mais de la connaître », écrit alors avec justesse John Szarkowski, conservateur au MoMA.
Ils sont trois, mais c'est Diane Arbus qui fait l'événement et devient aussitôt célèbre, grâce à ses images de freaks, mais également pour sa ­façon très particulière de photo­graphier de petites jumelles. Les gamines sont la copie conforme l'une de l'autre. Debout bien droites, soudées comme des siamoises, apprêtées à l'identique, même expression neutre des visages, elles deviennent devant l'objectif du Rolleiflex aussi différentes que peuvent l'être l'eau et le feu. L'effet est magique. Car l'obsession de Diane Arbus est de révéler la singularité de chaque être au-delà de son apparence. Tout en brouillant, avec une certaine perversité, la frontière entre l'équilibre mental et la folie, le féminin et le masculin, la normalité et l'anormalité. Sa technique et ses choix esthétiques sont cohérents avec son projet : le format carré de ses images en noir et blanc semble emprisonner ses modèles. Aucune échappatoire n'est possible. D'autant qu'elle les saisit au flash, parfois à bout portant, les foudroyant en un instantané, comme saisis en plein vol. Expressions stupéfaites, gestes, grimaces trahissent des drames enfouis, des désirs cachés.
A ses débuts, sujette à la dépression, doutant de tout, Diane Arbus s'était inscrite à la New School, au cours de Lisette Model, photographe réputée pour ses portraits grotesques de pauvres, de vieillards ou de cette femme énorme, en mail­lot de bain, échouée comme une baleine sur la plage de Coney Island. Model la pousse à s'approcher au plus près de l'inconnu, de l'étrange. Du tabou, de l'interdit. De tout ce qui lui fait peur. A casser la distance avec ses modèles.
Diane Arbus a retenu la leçon. Sa proximité devient telle, avec ses sujets, qu'elle semble s'identifier corps et âme à ce jeune homme en bigoudis au regard égaré. Ou à cette vieille dame à la peau flétrie, au « chapeau rose », comme l'indique la légende. En de très rares occasions, elle prend le bus pour un camp de nudistes du New Jersey ou pour photographier un hermaphrodite dans le Maryland. Mais son terrain de chasse favori – son ami Walker Evans l'appelait à juste titre « Diane, la chasseresse » – reste New York, de Central Park aux bas-fonds. Quand un visage l'arrête, elle s'exclame : « Oh, comme vous êtes magnifique ! Puis-je vous photographier ? » et s'invite immanquablement chez son modèle. En 1968, elle raconte en quatre clichés une histoire incroyable : la métamorphose de Catherine Bruce en Bruce Catherine. On voit d'abord une femme ­coquette, assise sur un banc. On la retrouve ensuite chez elle, en sous-vêtements. Perruque enlevée, on découvre sur la troisième image que c'est un homme. Qui finit par poser en costume et cheveux courts, totalement méconnaissable.
En 1971, Diane Arbus réussit à convaincre Germaine Greer de se laisser photographier dans sa chambre d'hôtel. La féministe, auteur du best-seller La Femme eunuque, tombe aussitôt sous le charme de celle qui lui apparaît « en petite fille délicate, douce comme un pétale de rose. Je n'ai pas pu lui donner d'âge, mais elle m'a charmée avec sa saharienne et sa coupe à la garçonne. Elle trimballait un sac de matériel tellement énorme que j'ai failli lui proposer de l'aider. » Diane Arbus a alors 48 ans, et il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Elle demande à son modèle de s'allonger et, « brusquement, se souvient Greer, elle s'est agenouillée sur le lit en plaçant son objectif juste au-dessus de mon visage et a commencé à prendre en gros plan mes pores et mes rides ! Elle me posait des questions très personnelles et là, j'ai compris qu'elle ne déclenchait que lorsqu'elle voyait sur mon visage des signes de tension, d'inquiétude ou d'agacement (1) . »
Diane Arbus s'est souvent dite prête à tout, « à perdre [sa] réputation ou [sa] vertu, ou tout au moins ce qu'il en reste, pour une bonne photo ». Quitte à prendre des risques insensés. Elle racontait qu'elle couchait fréquemment avec ses modèles – un marin rencontré dans un bus, un Portoricain croisé dans une rue, un nain, un couple de nudistes. Longtemps, ce comportement, qui éclaire la forte intimité qu'on ressent face à certaines images, a été tenu secret par sa fille Doon. En 2003, cette dernière dévoile la personnalité complexe de sa mère lors d'une rétrospective, « Diane Arbus Revelations », présentée dans le monde entier sauf en France. Sur une planche-contact, on découvre ainsi un couple – un Noir et une Blanche – s'embrassant et se caressant sur un canapé. Sur l'une des douze images, Diane ­Arbus prend la place de la femme, et s'allonge, nue, sur les genoux de l'homme. Ainsi, bien avant Nan Goldin, elle photographia des couples, parfois deux femmes, faisant l'amour, et fut une véritable pionnière dans l'exploration de l'intime, un thème majeur de la photographie contemporaine.
Rarement exposée en France, Diane Arbus, portraitiste exceptionnelle, est aujourd'hui célébrée au Jeu de Paume. Les deux cents images présentées racontent son histoire. Sur la première, datée de 1945 – un autoportrait –, elle pose nue avec grâce et pudeur devant une glace, les seins gonflés par sa grossesse. Une femme comblée. Les dernières, réalisées dans un asile d'aliénés, peu avant son suicide, le 26 juillet 1971, flirtent avec la folie. Des trisomiques masqués et grimés dansent une farandole grotesque sur une planète qui n'est plus la nôtre. Diane avait traversé le miroir, et plus aucun retour n'était possible."

Télérama

"Le Jeu de Paume, à Paris, consacre une rétrospective à l’artiste américaine précurseur de la photographie documentaire.
Diane Arbus (New York, 1923-1971) a révolutionné l’art de la photographie ; par son talent à rendre étrange ce que nous considérons comme extrêmement familier, mais aussi à dévoiler le familier à l’intérieur de l’exotique, la photographe ouvre de nouvelles perspectives à la compréhension que nous avons de nous-mêmes.
Diane Nemerov fait la connaissance d’Allan Arbus à l’âge de 14 ans. Cette rencontre sera décisive dans la découverte de sa vocation : la photographie. C’est aux côtés de son mari que sa carrière débute, mais elle s’épanouira réellement plus tard à travers l’indépendance professionnelle, puis personnelle. Elle réalise une galerie de portraits d’Américains des années 60, surtout de New-York et ses alentours, où elle exprime sa fascination pour les personnages hors-normes. Diane Arbus aime photographier des transsexuels, des handicapés mentaux, des “bêtes de foire”, bref des personnes à l’apparence et attitude parfois étranges, mais toujours atypiques.
Elle est maintenant connue et reconnue à travers le monde entier pour ses photographies parfois très troublante, où la notion d’identité est au coeur de son inspiration.  Diane Arbus obtient par deux fois la bourse du Guggenheim, en 1963 et en 1966. Elle est exposée au MoMA en 1964, puis en 1967 à l’occasion de l’exposition New Documents aux côtés de Winogrand et Friedlander."

 http://femnart.wordpress.com/2011/12/23/diane-arbus-exposition-inedite-au-jeu-de-paume/






Pavel Puhov

Le russe Pavel Puhov utilise les éléments urbains pour ses créations. Ancré dans le Street Art, ses créations sont d'une forte imagination, et utilisent avec subtilité les éléments urbains. 
Comme ses congénère, il ajoute une pointe de cynisme et de provocation dans ses œuvres et le courant passe. Il utilise par exemple pour l'une de ses créations qui représente une paire de lunette, la neige ainsi qu'un lampadaire. Le résultat est amusant et original sans être complétement surexcitant mais permet d'interagir avec le milieu urbain. Voilà un artiste de plus dans cette environnement urbain qui regorgent d'éléments en tout genre et qui leur permet de faire de l'art et de la création artistique voir publicitaire. 












Article/Interview de Daniel Buren et la Monumenta dans Le Figaro Magazine (?)















Daniel Buren est essentiellement connu pour ses "Deux Plateaux" au Palais Royal. Il a souvent fait polémique, il a suscité l'admiration. Lorsqu'en 1969, il recouvre de rayures toutes les affiches pu be Berne en Suisse, pendant l'exposition "Quand les attitudes deviennent formes", où il n'est pas invité, il finit au poste.
Célébré à l’international avant de l'être en France, il est aujourd'hui reconnu comme l'un des grands artistes de notre époque.
Après Anish Kapoor, Daniel Buren est l'invité de "Monumenta" au Grand Palais.
Il y joue avec les couleurs, invite à la réflexion dans tous les sens du terme, fait circuler le corps et la pensée et incite à vivre une expérience que l'on parie inoubliable sur la lumière et l'espace.

POURQUOI MONUMENTA ?
J'ai répondu à une demande. Le Grand Palais est l'un des rares lieux couverts d'une telle envergure, le plus vaste d'Europe. On s'y promène comme sur une place publique. Cette couverture en verre et en fer révolutionnaire pour l'époque, la hauteur des murs (45mètres), le ciel qui paraît plus grand, sans horizon brisé par les maisons, tout donne l'impression d'être à l'extérieur en étant protégé de la rue et du vent, ce qui est extraordinaire. On est en contact avec le ciel de Paris, en Ile-de-France, avec cette luminosité qui a marqué les impressionnistes. Et j'avais envie de travailler sur la lumière et la couleur.

POURQUOI UNE AUTRE ENTRÉE ?
Un lieu comporte toujours des contraintes qui donnent sa forme à l'ensemble. Mais entrer par la porte habituelle aurait tué mon projet. C'est comme si l'on pénétrait dans une cathédrale par le chœur au lieu de la découvrir petit à petit. Donc, on entre par la porte Nord la moins visible, signalée par un portique constitué de bandes blanches et noires, d'où l'on avance dans un couloir en plan légèrement incliné au bout duquel on verra d'abord quelque chose qu'on ne comprend pas : de la lumière, l'ensemble des couleurs et des piliers ...

POURQUOI DES BANDES RAYÉES DE 8,7 CM ?
 Je m'en sers comme un signe, un "outil visuel" pour révéler autres chose qu'on ne voit pas. Ici, les piliers qui soutiennent la structure sont rayés de blanc et noir par des bandes de 8,7 cm de large, comme le sont mes rayures d'habitude.

POURQUOI DES CERCLES ?
Le cercle est aussi très présent dans mon travail. Je me suis vite aperçu que tout sauf la façade néo-classique de Grand Palais, était construit sur le cercle, comme si l'architecte avait dessiné l'intérieur du bâtiment avec un compas. Tout est rond : la rotonde, les escaliers, les volutes ... Les 377 cercles de 5 diamètres différents (de 7 à 32 m) sont répartis sur une superficie de 6000m² et tangents les uns aux autres.

POURQUOI DES COULEURS ?
On m'associe souvent au blanc et noir alors que j'ai utilisé la couleur depuis mes débuts. Mes premières rayures accrochées dans les villes étaient en couleur. Au Grand Palais, les cercles sont de 4 couleurs : jaune, bleu, rouge, vert. Il n'y en avait pas d'autres disponibles. Il y a un nombre équivalent de teintes : 94 pour chaque coloris. S'ajoute à cela la couleur réséda du Grand Palais dans laquelle on est immergés, plus toutes les couleurs du ciel qui vont refléter dans les verrières et la coupole (elles-mêmes recouvertes de filtres) et qui changeront selon les jours les moments, les nuages, les rayons de soleil. 

POURQUOI DES MIROIRS ?
 J’ai beaucoup utilisé les miroirs... Ici, ils sont au sol, en forme de cercle, au centre, à l’aplomb de la coupole et sur une surface vide de 900 m2. On pourra marcher dessus ou les éviter. Quand on va arriver aux alentours, tout va s’y refléter : les faisceaux de lumière, les morceaux de toit, les nuages, le soleil. L’espace va se démultiplier et les couleurs jouer entre elles, se fondre, donner de la lumière... Des bancs circulaires sont disposés tout autour, sur lesquels on pourra se reposer et regarder ce qui se passe, avant de circuler à nouveau dans le lieu et l’œuvre.

POURQUOI DU SON ?
Ici, il prend la forme d’une énumération de chiffres et de l’énoncé des couleurs dans 37 langues officielles parlées par au moins 15 millions de personnes. Le son sera distribué en continu par des haut-parleurs placés sur des pivots qui capteront le visiteur à leur portée...

POURQUOI PAS UNE INSTALLATION ?
Je refuse la notion d’installation en ce qui concerne mon travail. On installe des objets dans une vitrine... De même que je n’aime pas l’expression qui consiste à dire d’un artiste qu’il s’est approprié le musée. Je ne cherche pas à m’approprier quoi que ce soit. Mon travail est de l’ordre du dialogue, qui peut être critique ou harmonieux. Ici, il s’agit de l’exposition d’une œuvre éphémère : il en restera des traces (un film, un livre), mais elle sera détruite sous sa forme initiale.

POURQUOI "EXCENTRIQUES, TRAVAIL IN SITU" ?
On peut penser à une explosion de cercles, du décentrage, des excentricités... Mais je me refuse à donner des explications. Je laisse le spectateur libre.



dimanche 20 mai 2012

Pina Bausch


Il y a trois ans, en 2009, Pina Bausch, LA Pina Bausch, s'éteignait à l'âge de 68 ans, d'un cancer fulgurant.
Figure de proue de la danse contemporaine depuis plus de trente ans, cette chorégraphe et danseuse hors pair a débuté sa formation en danse à l'école Folkwang d'Essen. Elle y côtoya de grands professeurs et notamment Kurt Jooss. Elle obtint son diplôme en 1959, puis partit étudier à la Juilliard School de New York.
Ses premiers pas sur scène seront avec le New American Ballet, elle deviendra la suite membre du Metropolitan Opera.
Elle ne retournera en Allemagne qu'en 1962, à cette occasion, elle travaillera avec son ancien professeur Kurt Jooss, ce qui lui permettra d'être soliste dans le Folkwang Ballett.
Sa première création en tant que chorégraphe date de 1968 :elle écrit alors «Fragmente», puis «Dans l'air du temps». Sa carrière prendra alors un nouveau tournant : elle dirigera le ballet de l'Opéra de Wuppertal (rebaptisé par la suite Tanztheater Wuppertal Pina Bausch).
Sa modernisation et sa transformation de la danse moderne dans l'Allemagne de l'après-guerre, exportées dans le monde entier, firent d'elle une artiste mondialement reconnue.




Par MARIE-CHRISTINE VERNAY
«Silhouette noire, fina estampa, caballero, Pina Bausch se tenait immobile dans un coin reculé de la boîte réservée aux aficionados de sévillanes. Ses portraits étaient affichés aux murs et le patron avait déjà eu l’occasion de lui transmettre les secrets de cette danse populaire et très sophistiquée. Elle ne disait rien. Elle ne parlait pas, elle regardait en fumant clope sur clope. Personne n’aurait pu deviner qu’elle s’appelait Pina Bausch, qu’elle était la figure maîtresse de la Tanztheater allemande.
Elle pinçait délicatement ses lèvres fines en un sourire qui la définissait aussi bien que son semblant d’absence. Elle était une farouche du ressassement au sens où l’entendait Maurice Blanchot et elle savait donc inventer, jamais à court de surprises. Dans un coin reculé, au fin fond d’un village de l’Inde, elle se tenait tout autant immobile. Elle regardait encore et toujours pour comprendre cette danse classique indienne qu’elle aima tant. A côté d’elle, il y avait Thomas Erdos, producteur qui, lui non plus, ne connaissait aucune frontière. De la même façon que Bénédicte Pesle a imposé Cunningham en Europe, il a su apporter Pina comme sur un plateau, couvert d’œillets de la révolution portugaise.
«Tripes». Sa pièce Nelken («œillets»), de 1982, reste dans toutes les mémoires. D’ailleurs, tous les danseurs, motivés par Germana Civera et Olga de Soto, jetteront aujourd’hui ces fleurs sur les scènes du festival Montpellier Danse.
«Tellement d’images et de souvenirs… Elle était une des plus grandes chorégraphes qui a réellement construit une œuvre. Mais elle était plus encore, humaine profondément. Elle était de l’amour, de la séduction. Elle avait la mémoire et elle savait transmettre.»
«Lors de sa rétrospective en 1994 à Lisbonne, je l’ai rencontrée à la cafétéria, raconte Germana Civera, Elle a regardé dans mon estomac, au fond de mes tripes. Elle m’a dit "on se reverra"». Germana a failli travailler avec elle. Elle a renoncé au bout d’un mois, par peur d’être sous sa coupe, de devoir tout lui donner. Car Pina Bausch demandait beaucoup, sans doute trop aux danseurs, pour parachever son œuvre. Il ne lui suffisait pas d’avoir des techniciens hors pair, elle voulait les gens, ce qu’ils avaient au plus secret d’eux-mêmes.
Obstacles. Entre autres figures légendaires de la compagnie, Dominique Mercy n’a jamais lâché l’affaire. Il a toujours été à ses côtés, dans les rôles les plus perturbants. Hier, il ne pouvait pas parler. Juste quelques mots pour s’excuser de son mutisme, que l’on respecte infiniment : «Je ne peux rien dire d’autre que c’est inconcevable. Elle était à bout de force, elle a succombé en cinq jours.» Raimund Hoghe, qui fut son dramaturge, programmé à Montpellier, ne peut pas non plus s’exprimer. Ayant appris la nouvelle avant sa répétition avec Faustin Linyekula, pour lequel il crée un solo, il a tenu à poursuivre son travail. La disparition non annoncée de la grande dame allemande pétrifie, jette la stupeur.
Et pourtant, elle fut déjà le fantôme d’elle-même dans Café Müller, en 1978. On ne peut oublier cette femme aveuglée, se cognant aux obstacles, se recroquevillant sous une table, terrorisée ou folle de rage. Elle évoquait son enfance, lorsqu’elle déambulait, enfant, dans le bar-restaurant-café de ses parents.
A 15 ans, en 1955, elle intègre l’école de Kurt Jooss à Essen. Elle retiendra tout de ce chorégraphe, maître de l’expressionisme et de la danse moderne, qui, avec son spectacle la Table verte, ridiculisait en 1932 les notables et les politiques qui décidèrent de la guerre et donnèrent tout pouvoir à un profiteur. En 1959, elle est à New York où elle suit les cours de la prestigieuse Julliard School. De retour en Allemagne, elle entame une carrière de danseuse, donne des cours à Essen, imagine ses premières chorégraphies et fonde le Tanztheater de Wuppertal en 1974.
L’année suivante, sa version du Sacre du printemps à l’Opéra de Paris est un formidable coup de tonnerre. A partir des années 80, Pina Bausch revient tous les ans au Théâtre de la Ville à Paris, à l’invitation de son directeur Gérard Violette, avec à chaque fois une nouvelle création. Après Palermo, Palermo (1989) elle part tous les ans dans une ville différente du monde préparer son nouveau spectacle. Certaines de ces pièces ont pu tourner parfois au dépliant touristique; ou s’égarer dans l’anecdote. Impossible de lui en vouloir. Elle était une enfant de la Ruhr, des cités industrielles, de la métallurgie. Le corps ouvrier, c’est son rayon. Elle a mené une quête perpétuelle pour le libérer de ses contraintes, pour le sublimer.
On ne saurait énumérer tous les personnages vrais et décalés qui ont tenu ses spectacles, des bébés en couche-culotte, des voyous, des femmes très putes, des hystériques, des furies et des sacrifiées. Car Pina Bausch s’est toujours intéressée, d’une certaine façon comme la grande «prêtresse» Martha Graham, aux égéries de la tragédie grecque : Iphigénie, Antigone et les autres cinglées géniales qui ont marqué la littérature et la danse. Son Sacre du printemps est une impitoyable mise à mort de l’élue avec des danses à vous tourner la tête, vulgaires, tribales, qui désignent la coupable. Quant à son Barbe Bleue, il est aussi inquiétant que lamentable.
Fous rires. D’elle, on gardera des souvenirs inouïs : une femme sans concession qui amenait sa fille sur les plateaux, qui faisait la précieuse, qui avait une main de fer et une générosité non contrôlée, qui pouffait parfois comme une gamine, qui rendait hommage à des inconnus, notamment dans Danzón, dédié à la danse populaire mexicaine. On n’oubliera pas non plus que ses danseuses avaient des jambes poilues et des talons hauts et qu’elles piquaient des fous rires et que le must était sa danse dite des «cheveux». Nous danserons toujours avec elle.»








Andreas Gursky à la recherche d'une échelle qui globalise le monde.



Andreas Gursky est considéré comme l'un des photographes les plus importants de notre époque.

J'ai largement hésité entre deux photographes allemands, de deux périodes différentes. Le premier, Hannes Kilian est né en 1909 et est décédé en 1999, il a donc traversé le siècle entier et a constaté les dégâts de l'Histoire sur l'Allemagne et Berlin. Cependant, bien que j'apprécie son travail, j'ai trouvé plus intéressant celui de Andreas Gursky.
Le travail d'Andreas Gursky est gigantesque : il travaille la photographie très grand format. D'une définition implacable, ses photographies représentent tout ce qu'il peut y avoir de plus banal : paysages, objets, foules humaines, vestiaires … . Il dit lui-même que la «photo globalise le monde», et ses photographies sont des fenêtres ouvertes sur le monde de par leur taille et leur objet. Nous sommes absorbés par ses photos, complètement dedans, on y entre. Les photographies d'Andreas Gursky sont habitées par le principe de répétition générale. Elles présentent aussi un intérêt sur le plan architectural : Andreas Gursky photographie le monde, post-moderne, de verre et d'acier.
Elles ne sont pas prises sur le vif. Il y a tout d'abord un long travail préparatoire : repérages, prises de vue, … Certaines photos évoquent des lieux devant lesquels il passe très souvent, qui lui sont donc familier. Il (re)crée une atmosphère.
Après le travail préparatoire, Andreas Gursky, prend plusieurs photographies et passe au travail final.
Cet artiste dit de lui-même qu'il ne fait pas de la «photographie pure» : il retouche largement son travail. Il «bricole les photos».
Il travaille beaucoup sur l'espace, et tente d'agrandir les espaces sur les photos tout en gardant le point de vue du départ. Disposant d'une palette graphique, il ajoute, supprime des éléments à ses photos, superpose différentes prises de vue … . Le résultat est extrêmement surprenant car on plonge vraiment dans la photographie, on est happé par sa profondeur, son relief.
Toujours à propos du travail sur l'espace, Andreas Gursky évoque les termes de macrocosme et de microcosme : essayer sur une même photographie, de représenter à la fois le minuscule et la géant. Il applique ce concept dans son travail «Paris, Montparnasse» de 1993.
Ses photographies sont parmi les plus chères au monde elles atteignent des millions de dollars pour 99 Cent II Diptych et Rhein II les deux photographies sont devenues les plus chères du monde à leur mise en vente.
Proche de l'école de Dusselforf, c'est un des derniers tenants du réalisme photographique.


Quelques mots sur sa biographie :
-né en 1955 à Leipzig, de parents photographes, il grandit à Dusseldorf.
-étudie la photographie à Essen l'une des grandes écoles allemandes dispensant un enseignement photographique traditionnel ; dans l'esprit du Bauhaus des années vingt, l'établissement promeut une photographie fondée sur l'idée de créativité personnelle
-en 1981, entre aux Beaux Arts de Dusseldorf il découvre alors un mode d'expression beaucoup plus impersonnel
-à partir de 1984, il commence à se détacher des travaux des époux Becher. 
-années 1990, voyage à travers le monde : des Alpes au Caire, à Athènes, Brasília, Chicago, Hong Kong, Los Angeles, Paris, Singapour, Tokyo... + commence à exploiter les ressources de l'informatique.
-fin des années 1980, Andreas Gursky expose ses photographies dans le monde entier (au MoMA de New York et au Centro de Arte Reina Sofia en 2001, au Centre Georges Pompidou en 2002).
- fin des années 1990, le photographe allemand devient l'une des coqueluches du marché de l'art.





"Sur la route" by Walter Salles





Parce que j'aime ce film avant de l'avoir vu. Parce que j'avais adoré "Diario de motocicleta". Et parce que Walter Salles est un grand.
C'est pour plusieurs raisons, que je décide, avant de mettre la critique du film (une fois que je l'aurai vu), de poster un article du magazine Le Monde, que je trouve très intéressant, sur la Beat Generation, celle de Kerouac et le nouveau film de Walter Salles, "Sur la route".
Pourquoi est-il intéressant ? Honnêtement, il m'a encore plus donné envie de voir le film. Il décrit les aventures du tournage en se focalisant sur les trois acteurs "qui promettent", la relation intense que Walter Salles a engagé avec ses acteurs depuis 10 ans et bien sur, l'adaptation du roman de Jack Kerouac.



Bientôt la critique.

"LA DERNIÈRE FOIS qu'on les a vus tous les trois, les deux garçons et la fille étaient sur la véranda d'une plantation. Ils sont montés dans la Hudson 1947 et ont disparu sous les arbres de l'allée. C'était en septembre 2010, à La Nouvelle-Orléans, le tournage de Sur la route durait déjà depuis trois mois. Il leur en restait encore autant, à se balader du Mexique à San Francisco, en passant par le Canada.
Un an et demi après, Garrett Hedlund, Sam Riley et Kristen Stewart se sont retrouvés dans la lumière crue de Los Angeles. C'est la première réunion du trio depuis des mois, et pourtant on dirait que le tournage vient de finir. Ils s'échappent du studio, où ils posent pour le photographe Steven Pan, pour aller fumer sur le trottoir. Leur complicité physique est intacte, la même que celle qui les unissait sur la banquette de la Hudson, sur les routes américaines. Leur façon de parler du film n'est pas non plus celle des acteurs ressassant sans cesse les mêmes éléments de langage imposés par les media coaches. Dans leurs histoires, leurs réflexions, on entend plutôt les échos d'une expérience commune qui les a façonnés. Sous l'égide de saint Jack Kerouac, sous la direction de Walter Salles, ils se sont fait une autre idée du monde, du cinéma.
Le 23 mai, ils seront à Cannes pour la première mondiale de Sur la route, de Walter Salles, d'après le roman de Jack Kerouac, l'œuvre fondatrice de la beat generation. Le réalisateur brésilien s'est emparé en 2004 de ce texte inspiré de voyages accomplis à travers les Etats-Unis à la fin des années 1940, paru en 1957. Il lui a fallu huit ans pour mener le film à bon port, sans renoncer à rien, surtout pas aux trois jeunes acteurs qu'il avait choisis dès le départ, même si entre-temps l'une d'entre eux est devenue star.
Voilà des décennies qu'Hollywood se demandait quels visages pourraient prendre Dean Moriarty, Sal Paradise et Marylou, le trio de Sur la route, que Kerouac a modelé d'après nature. Moriarty, c'est Neal Cassady, le garçon qui avait passé "un tiers de sa jeunesse en maison de correction, un tiers dans les salles de billard et un tiers dans les bibliothèques publiques", comme aime à le rappeler Walter Salles. Paradise, c'est Kerouac lui-même, l'immigré québécois, fils d'un ouvrier du Massachusetts. Et Marylou, c'est LuAnne Henderson, l'adolescente qui a fui sa famille par amour pour Cassady, et pour la liberté.
Il y a six ans, Walter Salles a d'abord choisi Garrett Hedlund pour jouer Neal. Le comédien avait 20 ans, il débarquait de sa ferme du Minnesota. Un peu plus tard, lors d'un dîner, le compositeur Gustavo Santaolalla a parlé au cinéaste d'une très jeune comédienne qu'il avait remarquée dans un film dont il écrivait la partition, Into the Wild, de Sean Penn. Kristen Stewart - "je me souviens d'avoir noté son nom sur un bout de papier" dit Walter Salles - est ainsi devenue Marylou. Enfin, après la projection de Control à Cannes, en 2007, l'Anglais Sam Riley a été invité à faire un bout d'essai avec Hedlund. L'alchimie entre les deux garçons était si évidente que malgré la différence de taille (Riley est grand et mince, Kerouac était petit et râblé) et d'accent avec son modèle, le Britannique a décroché le rôle de Sal Paradise. Entre autres parce qu'ils n'étaient pas très connus, le projet de Walter Salles a été repoussé plusieurs fois, jusqu'au début de 2010.

APRÈS AVOIR QUITTÉ LE PLATEAU de Sur la route, Kristen Stewart a enchaîné les tournages - la suite des "Twilight", Blanche-Neige et le chasseur. Alors que les deux garçons sont restés un an sans rien faire. Sam Riley, qui habite à Berlin, raconte qu'avec Garrett Hedlund, ils se parlaient par Skype. "Tu as trouvé quelque chose ? Non ? Moi non plus." Finalement, ils ont tous les deux accepté des seconds rôles sous la direction de réalisateurs de renom, Neil Jordan pour Riley, les frères Coen pour Hedlund. Après être restés si longtemps dans la peau des personnages de Kerouac, le retour au XXIe siècle n'a pas été facile.


Kristen Stewart n'a pas eu le choix, il lui fallait répondre à l'appel des vampires. Entre le moment où, folle de joie, elle a accepté le rôle de Marylou et le début du tournage, elle est devenue Bella, l'héroïne de la série "Twilight", l'amante du vampire que joue Robert Pattinson, qui est aussi son compagnon à la ville. Par miracle, en janvier 2010, lorsque Walter Salles a enfin trouvé, chez le producteur français MK2, les fonds et le soutien qui s'étaient dérobés ailleurs, le plan de tournage s'est avéré compatible avec l'emploi du temps de la jeune actrice. Ce qui l'était moins, a priori, c'était son statut de star poursuivie par les fans et les médias, et la volonté de Walter Salles de faire du tournage de Sur la route une expérience nomade, aussi proche que possible des errances de Kerouac.
Kristen Stewart a joué le jeu. Pendant le tournage, l'équipe a parfois joué à cache-cache avec la presse et les fans, qui suivent l'actrice à la trace. En Argentine (où l'équipe était partie chercher la neige au mois d'août), pour sortir de l'aéroport, il a fallu faire démarrer une limousine vide qui a entraîné les paparazzi sur une fausse route. Une partie du tournage au Mexique a été rapatriée en Arizona à la suite de menaces d'enlèvement. Mais sur le plateau, pas d'agents, d'attachés de presse, d'assistants, tout ce petit monde qui gravite autour d'elle à Hollywood. "Je ne sais pas comment elle fait pour rester aussi saine d'esprit", se demande Sam Riley.
Les trois jeunes acteurs sont passés par le "boot camp" (les classes, en jargon militaire) que Walter Salles a organisé quelques semaines avant le tournage à Montréal. Dans un grand appartement, ils ont visionné des films de John Cassavetes, rencontré des écrivains de la beat generation, écouté du jazz de la fin des années 1940. Kristen a découvert des enregistrements rares de LuAnne Henderson. De tous les protagonistes de Sur la route, LuAnne est la seule à n'avoir pas tiré profit de son expérience : "C'était sa vie, trois ans avec l'homme qu'elle aimait. C'est tout, pas une occasion de devenir célèbre. Et Dieu sait que l'époque était opportuniste." Kristen Stewart s'anime, comme elle le faisait sur le tournage à La Nouvelle-Orléans, quand elle se souvient de sa première lecture de Sur la route, à 14 ou 15 ans.
Elle, qui s'apprête à enchaîner la promotion de trois films, s'efforce de prouver que cet enthousiasme-là n'est pas convenu : "On dit toujours qu'on a été une famille sur le tournage, ce n'est jamais tout à fait vrai. Cette fois, si, insiste-t-elle. Je ne voulais pas quitter le plateau, j'aurais voulu faire toute la route avec eux. Mais depuis des années, je m'étais préparée à l'idée de finir la série "Twilight"." Elle s'est obligée à "cet énorme changement de vitesse", a travaillé sans arrêt pendant presque un an et hésite maintenant sur la route à suivre. "L'envie de travailler me démange, mais je n'ai rien vu qui me provoque, qui me mette en mouvement. C'est ça faire des films comme Sur la route, le niveau d'exigence augmente."

IL FAUT AUSSI FAIRE FACE aux attentes des admirateurs de Kerouac, des Américains qui se demandent pourquoi un Brésilien a donné le rôle de Sal Paradise à un Anglais, des cinéphiles qui savent que Francis Ford Coppola (qui avait acheté les droits du livre à la fin des années 1960 et est l'un des coproducteurs du film) ou Gus Van Sant auraient pu réaliser le film. Dans une librairie de Sunset Boulevard (si, il y en a), un vendeur a reconnu Sam Riley et lui a dit : "Tu vas être dans Sur la route ? J'espère que ce sera bien." Des trois, l'acteur britannique est le plus inquiet. Question de tempérament sans doute. Il se demande si on va lui reprocher son accent (mélange de yankee de la Nouvelle-Angleterre et de québécois) qu'il a travaillé pendant des mois. Il se souvient d'une anecdote pendant le "boot camp". "Un écrivain qui avait connu Kerouac est arrivé dans la pièce où j'étais avec Garrett. Il nous a serré la main et a regardé par-dessus mon épaule en demandant où était celui qui devait jouer Kerouac."
Six mois plus tard, à San Francisco, le soir du dernier jour de tournage, Sam Riley a rencontré Carolyn Cassady, la veuve de Neal, qui a aujourd'hui 90 ans (dans le film, son rôle est interprété par Kirsten Dunst). "Elle m'a caressé le visage et m'a regardé. Je ne peux pas répéter ce qu'elle m'a dit mais, en repartant, je me suis dit que les gens qui m'avaient engagé ne s'étaient pas complètement trompés." Entre-temps, Sam Riley/Sal Paradise avait cueilli du coton en Arizona par près de 50 °C à l'ombre, dansé dans des bouges de Puebla (à un moment de violence paroxystique au Mexique) et passé tout un dimanche dans la neige à Calgary, au Canada.
"Je me souviens qu'on est venu me réveiller pour aller tourner des plans à la sauvette. En vraie prima donna, je me suis dit que c'était mon jour de repos, mais je suis parti avec eux. Il n'y avait que Walter, Eric Gautier (le directeur de la photographie, ndlr) et Garrett s'occupait des costumes et du maquillage." Cette embardée dans le plan de travail, inimaginable sur le plateau d'un film hollywoodien, a produit d'admirables images de Sal Paradise marchant dans les montagnes, dans l'espoir d'arrêter une voiture ou un camion. "En trois heures on a tourné vingt plans, se souvient Sam Riley, et parmi ceux-là, mes préférés."
A La Nouvelle-Orléans, il a dû aussi improviser aux côtés de Viggo Mortensen qui tenait le rôle de Old Bull Lee, inspiré du personnage de William Burroughs, inventeur littéraire, héroïnomane, meurtrier de sa femme. "Je savais que Viggo était un homme intelligent, cultivé, un poète. J'ai passé toute la nuit sur Wikipédia parce que j'avais peur qu'il me demande : "Alors Sal, qu'est-ce que tu penses de l'Übermensch ?", alors que je n'ai jamais lu Nietzsche."
Ces plages d'improvisations sont au coeur du film qu'a voulu Walter Salles. Alors que le trio filait sur les routes d'Arizona par 45 °C à l'ombre, le scénario prévoyait qu'il embarque un auto-stoppeur. Walter Salles a saisi au vol le talent du chanteur Jake La Botz. Il lui a fait fredonner la triste complainte d'un homme qui a tué la femme qu'il aime, sans prévenir Kristen Stewart. "La réaction de Marylou au moment où elle entend cette chanson pour la première fois a été marquante, expliquait Walter Salles. Elle est restée dans le film, pour annoncer l'inévitable rupture entre Marylou et Dean Moriarty."

CETTE FIGURE DE DEAN MORIARTY, l'idéal masculin selon Jack Kerouac, l'objet du désir des femmes du film, Garrett Hedlund la porte depuis longtemps. Walter Salles avait vu des dizaines d'acteurs, aucun comme celui-là : "Garrett a amené une urgence, une vitalité, mais aussi une douleur liée à la quête du père. Quand il a passé l'audition, il arrivait du Minnesota. Il a récité le dialogue qu'on lui avait donné, et puis il m'a demandé s'il pouvait lire quelque chose. Dans le bus, il avait écrit un texte sur son voyage. Son interprétation de l'errance, sa propre vie m'ont conquis."
Quand il était adolescent, Garrett Hedlund avait lu que Francis Ford Coppola préparait une adaptation de Sur la route et s'était dit que le rôle de sa vie allait lui échapper. Quand, à 20 ans, il a croisé le chemin de Dean Moriarty, il n'a plus voulu le quitter, quelles qu'aient été les vicissitudes du projet. "A chaque fois qu'on lui a proposé un rôle, se souvient Walter Salles, il m'a demandé s'il pouvait le faire sans compromettre Sur la route." A force de refuser les offres, au désespoir de son agent, Garrett Hedlund reste encore à ce jour un espoir hollywoodien, alors qu'il aurait sans doute pu devenir une star depuis longtemps. Bien avant que la réussite du projet soit une certitude, il a accompagné Walter Salles dans ses recherches, apprenant à conduire une Hudson, rencontrant les survivants de la beat generation, comme le poète Michael McClure. "A l'époque, je ne pouvais pas dire que j'allais jouer Dean Moriarty. Je me taisais, je passais pour le compagnon de voyage de Walter."
"C'est une âme pure", dit de lui Sam Riley. Hedlund vit dans un petit appartement de Silver Lake, loin de Beverly Hills. "Je préfère me réveiller pauvre le matin, dit-il. Je ne veux pas avoir à travailler pour payer un appartement." En 2009, après que la crise bancaire eut fait capoter un premier montage financier de Sur la route, le jeune homme a cédé aux instances de son agent et a accepté le premier rôle dans Tron, grosse production de la Disney. "J'étais sur le point de demander l'argent du loyer à ma maman, se souvient-il. Six mois après, on était à Montréal, dans un appartement avec Kristen et Sam."
Garrett Hedlund a raté la soirée du dernier jour du tournage, qu'il a quitté en catastrophe pour assister à la première de Tron, à Los Angeles. Mais Walter Salles lui a offert sa revanche. Au printemps 2011, après avoir fini un premier montage, le cinéaste a repris la route à travers les Etats-Unis pour "un moment de liberté complète", destiné à assouplir le rythme du film. Une équipe réduite de cinq personnes, un seul acteur, Garrett Hedlund, et la Hudson, qui parcourt les petites routes, loin des freeways bordées de panneaux publicitaires, pour retrouver les espaces américains qui ont enivré Kerouac et Cassady. En écoutant Garrett Hedlund énumérer les étapes du voyage : les monts Adirondacks ; Cincinnati, Ohio ; Lexington, Kentucky ; Lubbock, Texas ; Las Vegas, Nouveau-Mexique, il ne manque qu'une guitare pour en faire un talking blues.

LE COMÉDIEN SE SOUVIENT de chaque averse de neige, de chaque panne. "Dans le Mississippi, un mécanicien du nom de Corndog a réparé la voiture sur la pelouse, devant sa maison. Il avait des Jheri curls (une coiffure popularisée par Michael Jackson sur la pochette de Thriller, ndlr) et se mettait un bonnet de douche pour se glisser sous la Hudson, pour ne pas mettre d'huile de moteur sur ses cheveux."
 Cannes est le terminus paradoxal et logique de ce voyage. Certes, le tapis rouge est un drôle d'endroit pour garer une Hudson qui trimballe trois clochards célestes. Mais Walter Salles y a présenté ses deux derniers films, Carnets de voyage et Une famille brésilienne (coréalisé avec Daniela Thomas). C'est après avoir vu Carnets de voyage, un autre road-movie qui suivait le jeune Ernesto Guevara à travers l'Amérique latine, que Francis Ford Coppola eut l'idée de lui proposer Sur la route. Kristen Stewart retrouvera sur la Croisette son partenaire de "Twilight", Robert Pattinson, qui a tourné dans Cosmopolis, de David Cronenberg. Sam Riley y fera son retour, lui qui avait été révélé à la Quinzaine des réalisateurs par son interprétation de Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, dans Control, d'Anton Corbijn. Et Garrett Hedlund pourra démontrer au monde entier ce que savent déjà tous ceux qui l'ont croisé : qu'il est une star de cinéma."

Ursus Wehrli

Lui, c'est Ursus Wehrli, un suisse/allemand complétement loufoque. Comédien à la base, il a formé un duo avec une femme, qui s'appelle "Ursus & Nadeschkin". Mais ce qui m’intéresse le plus chez lui, ce sont ses livres "l'Art du rangement". 
Un TOC lui a pris. Il a d'abord commencé par étudier des tableaux très célèbres et a fini par les ranger : il a découpé les différentes formes présentes dans les toiles, et les a rangée par couleur, forme, motif.
Ainsi, il réorganise la Chambre de Van Gogh, une toile de Miro ...
Il s'est par la suite attaqué aux objets du quotidien. Ainsi, il va ranger des voitures sur un parking, un bol de soupe "alphabet", une salade de fruits, les étoiles, ... .

Qu'est-ce que j'aime chez lui ? Son inventivité, sa créativité, son originalité. Il offre une conception, un regard différent sur le monde de l'art et du quotidien. Un regard pleins d'humour et de sympathie.